Le temps de l’Afrique se lit dans l’histoire des espaces de vie des africains. Or l’histoire de l’urbanisation des villes africaines est enchevêtrée de plusieurs facteurs. A l’occupation clanique, tribale, voire « ethnique » de l’espace, s’est progressivement ajoutée l’occupation économique par les contraintes du commerce, l’occupation administrative par les réquisitions étatiques pour les routes et bâtiments publics, l’occupation volontariste des nouveaux citoyens épris de cosmopolitisme, l’occupation opportune des exilés africains en quête de ré-immersion sociale, l’occupation informelle du grand nombre sous la pression de l’exode rural et de la prolétarisation massive des banlieues de villes, etc. Les quartiers ou communes des villes africaines n’ont donc pas la même forme architecturale, la même composition de populations, les mêmes besoins et désirs, les mêmes arts de vivre, les mêmes traditions sociales, économiques ou politiques. (Pr Franklin Nyamsi)

LE MONDE DES ENFANTS: L'eau, service public?

vendredi 14 janvier 2011



Familiariser les enfants avec les enjeux de l’eau s’avère être un exercice difficile tant ces enjeux sont multiples, complexes voire politiques.
Depuis les années 1980, le Cameroun a traversé une grave crise économique. Les manifestations de cette crise étaient matérialisées par les déséquilibres macro-économiques et financiers importants, l’effondrement des revenus des ménages et la détérioration des conditions de vie des populations. C’est cette période qui marque le début des multiples crises que traverse le Cameroun et qui perdure. La pauvreté est jusqu’ici est le maître-mot de tous les discours pour démontrer le manque de ressources des populations d’une part et le déficit de l’Etat à assumer ses responsabilités ne serait ce que sociale.
Par contre, cette crise si dure et si tenace qui menace la stabilité économique du pays avec ses activités en baisse, les grandes villes du Cameroun continuent leur développement l’extension fulgurante. Ceci est le fait de l’exode rural et l’implosion exponentielle des villes. Cette crise pousse à l’exode rural et la montée démographique des villes est fort remarquable. Ainsi, les villes n’étant pas préparées à accueillir autant de monde se retrouvent dans l’incapacité d’offrir un cadre de vie adéquat et serin. D’où le manque d’infrastructures qui est décriées et qui devraient permettre à la population d’assurer son bien-être. C’est cette situation de déficit et de détérioration des infrastructures existantes qui amènera les couches défavorisées, les enfants en l’occurrence, à se consacrer aux activités lucratives pour subvenir à leurs besoins si urgents et si exigeants.
C’est l’occasion pour moi ici de vous parler d’une activité un peu particulière et qui a attiré mon attention depuis que je m’intéresse au travail des enfants et au développement durable. Il s’agit de métier de la commercialisation d’eau potable.
La Communauté Urbaine de Douala (CUD, la Mairie de Douala) et la société chargée de la production et de la distribution de l’eau potable au Cameroun ont tiré la conclusion selon laquelle «70% des populations de Douala n’ont pas accès à l’eau potable. Elles se rabattent aux puits et aux forages qui ne respectent pas les normes élémentaires de creusage, notamment le périmètre de protection qui doit se situer à environ 20 mètres de toute activité humaine». C’est donc un constat suffisant pour comprendre que les populations de Douala ont un réel problème d’approvisionnement en eau potable. Le plus grand désarroi est le fait que cet aliment est pratiquement inexistant et quand bien même il existe il est de mauvaise qualité. C’est une situation alarmante de constater que ni l’Etat, ni la société de production et de distribution de l’eau potable dans la ville de Douala, sont quasiment incapable de répondre à la demande. Cette situation a permis à beaucoup de personnes et compris les enfants, de se lancer dans cette activité de commercialisation de l’eau potable. Ainsi, on voit naître des stratégies diverses pour être en possession de l’eau : les forages mis à la disposition de la population environnante par des entreprises et quelques particuliers fortunés. Mais, ce qui m’intéresse dans cette activité c’est la ruée des enfants pour recueillir cette eau qui sera plus tard destinée à la vente.
Je vous invite donc à cogiter avec moi sur le sujet qui est le suivant que je vous propose : « faut-il considérer l’eau comme une marchandise ? »
Faisons un bref détour dans les différents types de commercialisation de l’eau potable à Douala. Il y a d’abord les entreprises industrielles de production de l’eau potable appelée « eau minérale » qui respecte une certaines normes dans la composition chimique. Toutes ces informations sont contenues dans des bouteilles sur lesquelles sont étiquetées les caractéristiques du contenu. Cette eau n’est donc pas à la disposition de la masse car son coût est élevé. D’autres entreprises ont choisit de conditionner l’eau dans des sachets de 33 cl pour mettre l’eau potable à la disposition de la masse. Il y a ensuite des particuliers assez fortunés et des habitants regroupés en associations ont choisi de faire le forage et les mettre à la disposition des populations environnantes. Et enfin, le surprenant c’est ceux des particuliers qui exploite leur eau qu’ils conditionnent aussi dans des sachets de 33 cl et les commercialisent sans contrôle et sans taxes.
Les eaux des forages sont conditionnées soit dans des bouteilles soit dans des sachets pour être mis à la disposition de la population. Ce sont les enfants âgés de 6 à 12 ans qui sont généralement mis à contribution pour la commercialisation au bord des rues et avenues plus fréquentées.
Ce commerce d’eau est devenu très répandu et populaire que même les autorités de la ville s’y sont mêlés en donnant leur onction par les dons des kiosques pour exposition de bouteilles et sachets d’eau. C’est un commerce qui est très florissant dans la mesure où il est exempt d’impôt.
De nombreux enfants participent à ce commerce. Leurs activités commencent le soir à la sortie des classes et surtout les weekends. Ils courent dans toutes les directions à la recherche des acheteurs dès qu’une voiture s’arrête et risquent ainsi de se faire écraser en traversant sans précaution la voie publique au mépris des dangers dus à la circulation. Il est de coutume pour moi de rappeler que l’activité qui fait intervenir la participation des enfants est prohibée pour les raisons de moral et de protection des catégories sensibles des couches sociales. L’autre versant condamnable de cette activité est la qualité des contenants et le contenu lui-même. Cette qualité douteuse de l’eau, plus particulièrement fait l’Object des critiques les plus acerbes dans l’opinion publique et le monde scientifique
C’est tout de même très intéressant de remarquer que ce commerce est reste populaire et va au-delà de masse pour envahir même les milieux nantis surtout dans les grandes villes (Douala et Yaoundé). Cette activité est alors devenu plus porteur sur le plan économique ne serait ce que pour les commerçant, sauf l’Etat qui ne n’y voit que du feu pour les simples raisons que les forages installés dans les domiciles ne sont pas ouverts au public et ils sont considérés comme des puits à usage. Cette activité qui fait susciter des émules à fait naître des entreprises informelles mieux plus ou moins outillées de vente d’eau, non plus seulement dans les bouteilles mais dans les sachets de 50cl au prix de 50fcfa.
Contrôles de potabilité et de qualité inexistants. La vérification des méthodes de production et de purification d'eau des entreprises qui se sont lancé sur ce secteur juteux est trop rare voire inexistante. Seules les entreprises qui se déclarent officiellement de commerce reçoivent l’autorisation d’exploitation, de production et de commercialisation d’eau potable. Les contrôles de qualité d'eau ne sont malheureusement pas à la hauteur de la démocratisation et de l’explosion de ce métier de «porteur d’eau » d’un nouveau genre…
Selon les chiffres de l’OMS, il est révélé que l’eau est le premier vecteur de maladie pour l’homme. C’est la raison pour laquelle un mauvais contrôle des moyens de distribution peut être désastreux pour toute une population. En effet, dans cette ville ou la débrouille est la meilleure manière de survivre pour beaucoup d’habitant, des particuliers se sont lancés dans la fabrication artisanale d'eau en sachet et sans matériel adéquat. Les maladies liées à l’eau sont encore trop nombreuses dans notre société (ex : paludisme, diarrhée, trachome…) et l’accès à l’eau potable pour tous devrait être l’objectif n°1 de toutes les nations de notre planète bleue.

Répondre à cette question de savoir si l’eau pourrait être considérée comme une marchandise reviendrait à mettre en cause la déclaration des Nations unies qui considèrent que « le droit à une eau potable salubre et propre est un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’homme » (64ème session de l’Assemblée générale des Nations unies en juillet 2010). La problématique de l’eau que nous développons ici est celle de savoir si l’eau peut être considérée comme « bien et service public » (Observation générale n°15 : « le droit à l’eau »).
« Le concept de bien public a été systématisé par l’économiste Samuelson au cours des années cinquante, bien que cette notion puise ses origines historiques dans la pensée des auteurs du XVIIIe siècle, tel Adam Smith. La notion de bien public n’a pas de signification juridique propre en droit international; elle dépend du droit national. Selon la définition du Dictionnaire de droit international public, « le bien public est un bien appartenant à l’État. L’appartenance dudit bien à l’État est définie, sous réserve de dispositions conventionnelles particulières, par référence au droit interne de l’État ». La référence au droit étatique interne s’explique par le fait que « le droit international coutumier n’a pas établi de critère autonome permettant de déterminer quels sont les biens de l’État ». D’un point de vue juridique, la notion de bien public et global se fonde sur la notion de biens communs et sur l’existence d’intérêts collectifs dans la communauté internationale. Les biens communs sont nécessaires à l’usage de tous, puisqu’ils visent à satisfaire des besoins jugés essentiels par la collectivité. Considérant leur caractère vital, l’accès à ces biens doit être assuré pour tous. Avec deux livres publiés par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1999 et 2003, le débat sur le concept de bien public a pris une toute nouvelle dimension, avec la notion de « biens publics globaux ». En reprenant la définition classique de Samuelson, est défini comme public et global un bien dont l’exploitation est bénéfique pour tous et qui est « non-excludable » et « nonrivalrous » dans son utilisation26. D’un point de vue juridique, la notion de bien public et global se fonde sur la notion de biens communs et sur l’existence d’intérêts collectifs dans la communauté internationale. Les biens communs sont nécessaires à l’usage de tous, puisqu’ils visent à satisfaire des besoins jugés essentiels par la collectivité. Considérant leur caractère vital, l’accès à ces biens doit être assuré pour tous27.Lyla Mehta s’est penchée sur le lien entre l’eau et la notion de bien public global en observant que « [i]t can be argued that policies should make water a global public good by design ». Elle a cependant remarqué que « given the contested nature of water, evoking its publicness may not be enough. Making goods public by design is only a means. The desired end of making water a public good is ensuring all people’s access to water ». Ainsi, la notion de bien public et global est liée au droit humain à l’eau.
Le droit humain à l’eau soulève aussi des questions liées à l’« économisation » de cette ressource. Appliqué au droit à l’eau, le principe de non discrimination devrait assurer l’accessibilité physique et économique à l’eau aux couches de population les plus vulnérables et marginalisées, et la question du prix de l’eau devrait incidemment être lue à la lumière de ce principe. »
Sources :
Tchakounté Kemayou
L'image au début de l'article est de Sifia International
Par: Leplaideur Marie Agnes

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...