Le temps de l’Afrique se lit dans l’histoire des espaces de vie des africains. Or l’histoire de l’urbanisation des villes africaines est enchevêtrée de plusieurs facteurs. A l’occupation clanique, tribale, voire « ethnique » de l’espace, s’est progressivement ajoutée l’occupation économique par les contraintes du commerce, l’occupation administrative par les réquisitions étatiques pour les routes et bâtiments publics, l’occupation volontariste des nouveaux citoyens épris de cosmopolitisme, l’occupation opportune des exilés africains en quête de ré-immersion sociale, l’occupation informelle du grand nombre sous la pression de l’exode rural et de la prolétarisation massive des banlieues de villes, etc. Les quartiers ou communes des villes africaines n’ont donc pas la même forme architecturale, la même composition de populations, les mêmes besoins et désirs, les mêmes arts de vivre, les mêmes traditions sociales, économiques ou politiques. (Pr Franklin Nyamsi)

SOCIOLOGIE DU PORTRAIT PROFESSIONNEL DES GARAGISTES À DOUALA

mardi 15 février 2011


A la suite de cette enquête sans doute pas très ambitieuse, avec des questions ramassées à la volée, nous nous sommes posés la question de savoir ce à quoi renvoyait les informations recueillies par les personnes qui se sont donnés, corps et âme, pour exercer un métier qui, bon gré ou mal gré, fait parti de leur vie au quotidien. Cette interrogation ne manque pas d’intérêt dans la mesure où, sociologiquement parlant, les connaissances sur l’environnement d’un individu est utile dans la maîtrise des comportements et des conditions de vie des acteurs. Pour mener à bien cette exercice intellectuel, nous avons fait appel à une technique bien connue dans les champs théorique de la sociologie notamment le portrait sociologique. C’est l’occasion pour nous ici de montrer le dépassement de la théorie bourdieusienne pour mettre l’accent sur la dimension « plurielle » de l’Homme (Cf. « L’Homme pluriel » de Daniel Meier) où la propension à homogénéiser les caractéristiques individuelles sont reléguées au second plan et relèvent de la sociologie classique.


La présente analyse met en exergue une densification et une singularisation des propriétés contextuelles et dispositionnelles des acteurs. Techniquement et méthodologiquement, démontrer cette caractéristique d’un individu revient à disposer d’au moins deux comportements du même acteur à comparer dans des contextes différents. C’est-à-dire mener une réflexion sur l’enchevêtrement des « schèmes » et « habitus » des acteurs en observant leur variabilité d’un univers à un autre chez le même acteur. Tels sont les objectifs méthodologiques de cette analyse dans son sens premier.

Pour réussir cet exercice tant théorique que méthodologique, il faut avoir en sa possession toute une masse de données individuelles d’un individu quelconque. Ainsi, les données recueillies fourniront des informations sur les six principales matrices de la socialisation, à savoir : l’école, le travail, la famille, la sociabilité, les loisirs et pratiques culturelles et enfin, le corps (santé+sport). C’est une liste plus ou moins exhaustive des champs sociaux dans lesquels le portrait sociologique doit axer son ancrage.
Malheureusement, tous ces champs n’ont pas été couvert entièrement et notre analyse aura, à n’en point douter, une défaillance méthodologique de ne pas couvrir tous ces schèmes. C’est l’occasion de signaler ici que cette enquête était un prétexte pour avoir un aperçu, en une fraction de seconde, ce que ressemble le métier de garagiste au Cameroun aujourd’hui au moment où la technologie évolue à une vitesse exponentielle tandis que les sociétés du sud du Sahara restent encore dominées par des techniques encore primaires et élémentaires. La problématique qui nous sert de fil d’Ariane ici est celle de savoir comment les stratégies de contournement utilisées par les garagistes pour faire face à toutes ces mutations technologiques propres aux sociétés modernes ? Pour y parvenir, nous nous appesantirons sur quelques bribes d’informations relevant du domaine professionnel uniquement. Ainsi, nous aborderons tour à tour : Bref exposée de la situation des garagistes d’abord, les conditions de travail ensuite et enfin les Perspectives et recommandations.

1. Bref exposée de la situation des garagistes

Au regard de quelques 11 personnes interrogées, il se trouve que l’échantillon risque poser le problème de représentativité quant à l’effectif croissant des garagistes exerçant à Douala. Ville essentiellement économique, Douala présente cet avantage de diversité et de grandeur démographique. Ces caractéristique a l’avantage, pour l’analyse, de présenter une multitude de choix dans l’orientation thématique. Fort de ces agrégats, nous avons, pour une analyse test, de cibler quelques garages selon son lieu d’implantation, sa taille, ses techniques de travail, etc., afin de respecter et de tenir compte de cette diversité.

Il apparaît donc, au regard de cette posture, que présente la situation des garages à Douala, relèverait d’une tâche scientifique de grande envergure. A première vue, il revient que pour créer une entreprise de garage à Douala, il faut être capable de mobiliser les moyens financiers donc la moyenne est de 1 000 000 F CFA. Mais, ce n’est pas suffisant. Sur 11 personnes interrogées, 8 d’entre eux ont reçu leur formation, en général, sur le terrain. Il est important de remarquer que parmi ces 8 personnes, 6 ont fait une formation à l’école.

Question : pourquoi les garagistes sont-ils obligés de recevoir une formation sur le tas pour acquérir toutes les technologies de la mécanique automobile ?

Une réponse évidente est donnée par un système d’éducation que d’aucun juge de mal approprié pour l’environnement camerounaise. Difficile donc d’imaginer pour les profanes comme nous autres qui croyons que les garagistes font ce métier par manque de conviction. La situation économique du Cameroun donne cette impression qui peut s’avérer fausse dans la mesure où la plupart des personnes interrogées ont eu, à un moment ou un autre, à flirter avec l’environnement du métier et de la technologie qui l’accompagne. Il serait, tout du moins pour ce qui concerne la mécanique-auto, absurde de penser que ces personnes viennent dans le métier par effraction, même si certaines analyses économiques peuvent démontrer qu’ils s’y sont contraints. Nous n’avons qu’à observer que tous les garagistes avouent avoir dans leur établissement des employés qui viennent avec un bagage primaire et élémentaire. Ce qui est fondamental dans la perspective de développement de ce domaine d’activité. Dans les rapports sociaux de sexe, nous avons étrangement une fille sur deux qui avouent avoir appris le métier sur le tas. Un métier qui est considéré comme très masculin et que la plupart ont reçu une formation dans un établissement scolaire et complété par celle du terrain, il serait très difficile de voir une personne sexe féminin s’y introduire si elle n’a pas de conviction !

Attardons-nous à présent sur le niveau d’étude des garagistes de Douala.

7 garagistes sur 8 ont un niveau universitaire ! Par contre un seul, parmi eux, détient le certificat primaire. Il peut s’agir d’un métier qui nécessite beaucoup de maîtrise théorique avant de s’y mettre. Le travail de terrain ici a une place très prépondérante dans l’exercice de ce métier. Faut-il pour autant conclure que la plupart des garagistes qui exercent à Douala ont tous le niveau universitaire ? Difficile d’extrapoler compte tenu de la limite de notre échantillon.
Remarquons que dans les 11 garages enregistrés, nous avons comptabilisé 209 personnes qui y travaillent. S’il y en a qui sont venus avec quelques expertises dans l’exercice de ce métier, d’autres par contre viennent, malgré leurs modiques connaissances, travailler tout en apprenant. En termes de taille, il est à noter que les garages de Douala comptent en moyenne 10 à 20 employés. Et leur existence ne date que de 10 ans en moyenne.

Pour faire un rapprochement contextuel, il est à noter que c’est au début des années 1990 que ce métier de débrouillardise a pris son ampleur au Cameroun. A cette époque, le vent des libertés qui soufflaient en Afrique avec la libéralisation de la communication sociale doublée de la crise politico-sociale ont eu un coup sur la dégradation du système économique à travers la perception de la gestion des affaires publiques relayée par les médias. Cette perception catastrophique de la gestion des affaires publiques par la population place ceux-ci dans une situation de discrimination dans la sélection de l’élite intellectuelle et gouvernante.

Raison pour laquelle beaucoup prennent la résolution de mener une activité personnelle et surtout d’indépendance. C’est sous cet angle que va désormais se jouer la carrière de garagiste puisqu’il lui faut garantir la survie de sa structure en maîtrisant son environnement avec beaucoup de précaution et de tact. Il est sans doute utile de signaler que l’étude des rapports des garagistes avec leur environnement est d’une importance capitale dans la mesure où il nous permettra, dans les lignes qui suivent, de mettre en exergue leurs conditions de travail quotidien.

2. Conditions de travail des garagistes de Douala

Un bref aperçu sur l’environnement des garagistes montrent un réel décalage entre le niveau de connaissance des garagistes et les attentes de la clientèle. La caractéristique principale de la clientèle se retrouve en général dans la classe moyenne et la classe supérieure.

Sur les 11 garagistes interrogés, 8 ont généralement pour clientèle soit des entreprises et personnels cadres, ou soit seulement des cadres. C’est dire que les garagistes ont pour principale clientèle des personnes exigeantes dans la qualité du service. D’où la nécessité d’avoir affaire à des garagistes ayant un bon niveau de spécialisation. C’est pourquoi nous avons à faire ici aux garagistes avec un niveau universitaire.

Il est évident que le niveau de vie de ces garagistes ne sera pas les moindre, car le travail sera facturé en conséquence. C’est un métier qui nourrit bien son homme. Pour ceux qui avouent trouver leur compte (8 au total), 5 s’en sortent et 3 sont sceptiques ; par contre 3 seulement avouent ne pas réussir à trouver la place au soleil.

Nous allons essayer de faire un jeu de corrélation entre les variables pour comprendre cet aspect précis. Pour les rapports de sexe, les filles sont les plus malaisées dans ce métier : parmi les 2, une ne s’en sort pas tandis que l’autre est sceptique, pourtant en matière de capital d’investissement, elles sont logées à la bonne enseigne.

En comparant toutes les variables, celle du niveau d’étude semble être la plus illustrative pour mettre en exergue le facteur de réussite dans ce métier. Plus le niveau d’étude est élevé, plus il y a de chance de réussite et par conséquent on a de meilleurs conditions de travail.

Il faut donc remarquer que le niveau d’étude constitue un facteur important même chez les garagistes de sexe masculin. La hauteur du capital d’investissement est conditionnée par le niveau d’étude. Il est donc de coutume que la valeur du capital détenue par un garagiste sera de plus en plus importante si celui-ci présente un background important. Ainsi, les 5 garagistes qui ont un niveau supérieur au Baccalauréat ont un capital de plus de 10 000 000 F CFA.

S’il est établi que le capital est une ressource généralement emprunté, il est donc évident de penser que la société fait plus confiance aux personnes ayant un niveau suffisant pour garantir une assurance dans la gestion des fonds de l’établissement à court ou à long terme. Ce niveau conditionne aussi dans le choix des facteurs de modernité du garage : l’accès aux outils de formation et d’information des éventuelles technologies moderne des véhicules de dernière sortie sur le marché occidental. La clientèle, constituée essentiellement des cadres et des entreprises, nous pouvons penser que les véhicules confiés à nos enquêtés sont celles qui répondent à cette technologie. Nous pouvons citer tour à tour l’abonnement à un catalogue (8 sur 11), la possession d’un micro-ordinateur, la détention d’une adresse mail. Ces quelques éléments sont largement suffisants pour estimer la capacité et l’effectivité du travail moderne des garagistes de Douala.

Tous les facteurs constituant les conditions de travail étant passés au crible, est-il judicieux d’extrapoler, sans risque de nous tromper, sur le fait d’une condition de travail acceptable des garagistes enquêtés ?
Que non. Si nous nous limitons à ces quelques détails, nous tombons sans faille dans une erreur de jugement qui peut s’avérer dangereux. Raison pour laquelle il est important de prolonger notre analyse dans la perspective.

3. Perspectives et recommandations

En observant avec une très grande attention les données recueillies, on est subitement impressionné par la hardiesse et la témérité des jeunes garagistes à démontrer leur capacité et à faire face aux obstacles extérieurs. A vue d’œil on est aussi surpris que c’est un métier où on trouve son plein épanouissement.

Mais, nos jeunes garagistes sont-ils capables d’affronter les enjeux qui sont les siens face à une évolution de la technologie automobile à l’heure actuelle ?
Il nous semble donc qu’on peut y répondre par la négative compte tenu du fait que la plupart, donc 7 garagistes avouent ne pas maîtriser cette technologie de pointe qu’est la voiture électrique, alors que tous les garagistes sont équipés pour accéder à l’information voulue. Nous pouvons donc comprendre pourquoi la plupart d’entre eux, à cause de cette insuffisance, n’ont pas l’expertise pour venir à bout des difficultés présentées par des véhicules électroniques. C’est la raison pour laquelle les véhicules de luxe comme MERCEDES, BMW et GOLF sont beaucoup plus craintes par plus de 6 de nos jeunes enquêtés. Pas seulement pour des raisons technologiques mais aussi la rareté et la cherté des pièces de rechanges. En effet, la maîtrise de cette technologie nouvelle par nos jeunes garagistes ne pourra pas résoudre le problème des conditions de travail sans la mise en place d’une stratégie de SAV (Service Après Vente) plus efficace et plus compétitive.

Nous n’allons finir cette analyse sans relever cet aspect très important qu’il convient de signaler pour une éventuellement dans ce domaine qui s’avère très prometteur. L’excès de paupérisation dans ce métier rend les acteurs très réfracteurs à toutes formes d’innovation. Les raisons de ce comportement est très simple. Les garagistes sont plus occupés à lutter contre les contraintes de la vie qu’à penser à mettre sur pieds des stratégies de développement dans ce domaine. Leur niveau d’étude et la possession d’un micro-ordinateur ne doit pas nous méprendre dans notre analyse. Les études très appréciées sur les conditions de vie des ménages dans un contexte de pauvreté ont démontré comment les personnes ont moins de temps à consacrer à la culture de l’esprit. Il faut, pour éviter cette erreur, dépasser cet état de fait, donner suffisamment les moyens de sa politique à défaut de remédier aux insuffisances.

Il n’est donc pas question de demander aux garagistes de donner de leur temps ou de leurs moyens financiers pour s’investir dans un projet donc il n’est pas sûr d’avoir la plus-value à l’immédiat

© Correspondance : Pour le PACC (Pan. African Cultural Center)
 http://www.pplawr.org/

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